Choisir sa vérité

Que l’importance soit dans ton regard, non dans la chose - André Gide -

J’ai appelé ma mère quelques minutes avant que débute sa toute première séance de chimiothérapie – une belle coïncidence, car je ne savais pas à quelle heure c’était censé commencer. J’aurais préféré être à ses côtés, mais elle était très stressée et préférait vivre seule ce premier traitement.

«Chimiothérapie»… Le mot à lui seul fait peur, non? On a tous vu des films où le personnage revient de l’hôpital avec un teint vert fluorescent, et juste assez d’énergie pour peaufiner son testament. En plus, un médecin était passé voir ma mère un peu plus tôt dans la journée et lui avait dit tout bonnement (en parlant de la solution qu’on allait lui administrer): «On ne se leurre pas, c’est de la mort aux rats!»

Ma mère était donc anxieuse, au téléphone. Pendant que l’infirmier préparait son arsenal, elle partageait avec moi ses craintes face à ces substances chimiques qui allaient bientôt circuler dans son système. Mort-aux-rats. Poison. Je ne me souviens pas exactement de ce qu’elle m’a dit, mais je me souviens du mot poison.

En l’écoutant parler, quelque chose de fort a monté en moi. C’était si puissant, en fait, que je lui ai quasiment coupé la parole pour le lui communiquer: «Non… ce n’est pas du poison, maman. C’est de l’amour. C’est l’amour de tous les médecins et scientifiques qui ont consacré leur vie à chercher des remèdes au cancer. C’est l’amour de tous ceux et celles qui ont fait un don pour la recherche, dans l’espoir que l’humanité soit libérée de cette maladie – oui, toutes les personnes qui ont donné ne serait-ce que 5 $ de leur argent, souvent durement gagné, pour contribuer à la cause. C’est l’amour de tous ceux qui ont fait une action, quelle qu’elle soit, pour que ces substances chimiothérapeutiques soient aussi efficaces que possible.» Je parlais avec douceur, mais aussi avec une certaine fermeté. Je savais dans mes tripes que ce n’était pas que mon opinion personnelle, mais une vérité.

Dès cet instant, l’état de ma mère a changé radicalement. Nous avons dû mettre fin à notre conversation rapidement, car le traitement allait commencer… Mais juste par sa voix, j’ai su qu’elle était allégée, apaisée – complètement transformée. Et depuis ce jour, elle n’a plus jamais vu la chimio comme avant. Bon, elle n’en mettrait probablement pas dans ses céréales, mais elle l’accueille avec calme et sérénité. Avec gratitude, même. Je peux difficilement exprimer à quel point j’admire son attitude, d’ailleurs… Car avoir une jolie philosophie est relativement facile, lorsqu’on est dans ma position – quoi que je pense ou dise, ce n’est pas moi qui reçois le traitement. Mais avoir la force de choisir et de maintenir une telle perspective tout en ayant les deux pieds – en fait, le corps entier – dans cette réalité est, à mes yeux, héroïque.

C’est donc cet échange que ma mère me demandait de partager avec vous. Cette nouvelle vision des choses fut d’une grande aide pour elle (elle est convaincue que c’est grâce à elle qu’elle n’a à peu près aucun effet secondaire causé par les traitements), et elle voulait que vous puissiez en bénéficier également. Évidemment, ça me fait plaisir de partager ce moment, moi aussi… Car c’est tellement plus qu’une histoire de chimiothérapie.

 

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Mort-aux-rats ou amour liquide? Évidemment, on pourrait dire qu’il s’agit véritablement d’un poison. C’est un fait. C’est la réalité. Si on analysait la solution et qu’on s’en tenait au résultat, on ne dirait certainement pas qu’il y a de l’amour là-dedans. On trouverait probablement ma version des choses bien poétique, mais ce ne serait pour nous qu’une jolie histoire – oh, et tant mieux pour ceux qui sont capables d’y croire.

Mort-aux-rats ou amour liquide? Je suis d’une nature très terre-à-terre… J’ai toujours préféré faire face à la vérité. Or, il y a une chose que j’ai apprise au fil du temps et que mon esprit très rationnel a maintenant acceptée… C’est qu’il y a toujours d’autres vérités derrière la vérité – des vérités tout aussi vraies que celle que l’on peut analyser, ou mesurer. Des vérités souvent douces et belles qui pourraient remplir notre vie de douceur et de beauté. Et si ces vérités sont vraies – deviennent vraies –, ce n’est pas parce qu’on nous les a prouvées, ou parce qu’un spécialiste nous en a parlé… c’est simplement parce qu’on a eu la force de les choisir et de les cultiver.

Voilà…

J’espère que vous passerez une splendide journée! ;-)

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